LOI. --Les contraventions ne mentionnant pas le délai de
recours spécifié dans la loi du 9 mars 2004 sont-elles
illégales ? C'est ce qu'affirment plusieurs
associations
Des PV très
contestés
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Carnets à souche. Jusqu'à quand
pourront-ils être utilisés ? PHOTO ARCHIVES THIERRY
DAVID
| Le contentieux de tous les
ministères publics de France risque de s'alourdir
considérablement dans les jours qui viennent. Depuis le début
de la semaine, un site Internet (motoservices.com) incite ses
lecteurs à contester la légalité des contraventions dont une
mention n'est pas conforme aux nouvelles dispositions de la
loi du 9 mars 2004. Les dirigeants de ce site, soutenus par
d'autres associations et des juristes spécialisés dans le
droit pénal routier, invoquent une atteinte aux droits de la
défense. Ils ont même rédigé une lettre type de
contestation.
1. Le
contexte La
loi du 9 mars 2004 a modifié plusieurs articles du Code de
procédure pénale dont un, l'article 529-2, portant sur le
délai de paiement et de contestation des contraventions. En
clair, ce délai était de trente jours avant la loi. Depuis le
9 mars, il est de quarante-cinq jours. Mais policiers
nationaux, municipaux et gendarmes, qui disposent d'un énorme
stock de carnets à souche, continuent de dresser des
procès-verbaux avec des documents mentionnant toujours le
délai de trente jours. Ce texte est censé informer le
contrevenant des dispositions légales. Or, quatre mois après
la loi, c'est toujours le document ancien qui stipule : « ...
dans les trente jours à compter de la date de la constatation
de l'infraction. A défaut de respecter ce délai, vous serez
destinataire d'un avis de paiement de l'amende forfaitaire
majorée. »
2. Les arguments de
contestation Avocat spécialisé en droit pénal routier et conseiller
de motoservices.com, Me Malik Farajallah est formel : « Il
faut savoir que la modification d'un droit de recours est une
formalité substantielle. On doit vous informer des délais de
recours. Or, on le fait de façon erronée puisque l'on vous dit
que votre délai de réflexion est de trente jours. Cette erreur
manifeste dans la formalité substantielle rend la procédure
nulle. » Et ce dernier de préciser qu'une inscription
manuscrite ne changerait rien à l'affaire : « Imaginez un
automobiliste qui découvre sur son pare-brise un PV dont le
délai de trente jours a été rayée au stylo et que la mention
quarante-cinq jours a été rajoutée. Comment peut-il savoir
s'il ne s'agit pas d'une mauvaise farce et que l'auteur est
bien un agent assermenté ? » Dirigeant de motoservices.com,
Bertrand de Seaulieu incite aussi ses internautes à contester
les PV.
3. Absence d'instructions
Interrogé sur
ce problème, le ministère de l'Intérieur n'a pas voulu
répondre directement, hier, exigeant que la demande soit
transmise par fax ou e-mail. Mais de source judiciaire, on
indiquait que le décret d'application de la loi n'avait été
suivi d'aucune circulaire d'application. Gendarmes et
policiers ont donc continué à utiliser leurs anciens carnets à
souche, les seuls qu'ils avaient d'ailleurs à leur
disposition. Comme si de rien n'était. Ce n'est que
depuis quelques semaines que certains fonctionnaires et
militaires ont commencé à biffer manuellement « 30 jours »
pour inscrire « 45 jours ». Mais en début de semaine, le
ministère de l'Intérieur aurait demandé à ses services de
faire systématiquement les modifications sur les PV. Une
manière de rectifier l'erreur. La préfecture de police de
Paris aurait toutefois indiqué que l'utilisation des anciens
formulaires ne touchait pas à la validité de l'infraction.
L'allongement du délai bénéficiant au contrevenant, la
procédure, selon ces mêmes sources, demeurait parfaitement
valable. Seule certitude, l'amende forfaitaire majorée ne
pourra être envoyée qu'à compter des quarante-cinq jours après
la constatation de l'infraction.
4.
Conséquences Pour l'heure, le contentieux est circonscrit aux
frontières du ministère public, et à ce jour, aucune décision
de justice n'a été prononcée. Selon Me Malik Farajallah, les
particuliers s'appuyant sur cette argumentation ont vu leurs
procès-verbaux annulés, mais sans en connaître la motivation.
« Ce
litige devra être tranché par une décision de justice, comme
cela avait été le cas pour les retraits de points. La justice
avait sanctionné l'absence d'information concernant le nombre
de points perdus et annulé toutes les procédures. On ne voit
pas comment il ne pourrait pas en être de même », poursuit
l'avocat. L'enjeu est de taille. Il concerne des centaines de
milliers de contraventions et autant de carnets à souche. Si
les tribunaux donnaient raison aux contestataires, il faudrait
alors détruire tous les carnets qu'utilisent gendarmes et
policiers et en refaire autant en extrême urgence.
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